« À en croire certains esprits bornés, – c’est le qualificatif qui leur convient, – l’humanité serait renfermée dans un cercle de Popilius qu’elle ne saurait franchir, et condamnée à végéter sur ce globe sans jamais pouvoir s’élancer dans les espaces planétaires ! Il n’en est rien ! On va aller à la Lune on ira aux planètes, on ira aux étoiles, comme on va aujourd’hui de Liverpool à New York, facilement, rapidement, sûrement, et l’océan atmosphérique sera bientôt traversé comme les océans de la Lune ! »
Jules Verne, De la Terre à la Lune
Là-bas, dans les étoiles…
Le maître de la science-fiction s’est peut-être un peu avancé en annonçant des voyages spatiaux rapides et faciles, mais 157 ans plus tard, force est de constater que Jules Verne ne s’était – une fois de plus – pas complètement trompé. Sortir de notre atmosphère terrestre pour naviguer au milieu des étoiles fascine les hommes depuis l’Antiquité, mais l’histoire du voyage spatial commence réellement en 1919, lorsqu’un tel voyage devient théoriquement possible grâce aux travaux d’un ingénieur américain, Robert H. Goddard. Ses idées serviront de base de travail à l’Allemand Wernher von Braun qui devient le premier homme à faire décoller une fusée parvenant à atteindre l’espace. Cet exploit marque le début de la conquête spatiale et influencera toute la course à l’espace de la Guerre Froide.
Les grandes dates du voyage spatial
- 4 octobre 1957 : Spoutnik 1, le premier satellite artificiel est lancé par l’URSS.
- 12 avril 1961 : Youri Gagarine (URSS) devient le premier homme à réaliser un tour complet de l’orbite de la Terre grâce au vaisseau Vostok 1.
- 19 juillet 1969 : Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins (USA) conduisent la mission Apollo 11. Neil Armstrong devient le premier homme à marcher sur la Lune.
- 19 février 1986 : la station Mir est mise en orbite par l’URSS. Elle sert de laboratoire et accueille des équipages de trois personnes en séjour long, principalement russes mais également américains, européens ou encore japonais. La station est volontairement détruite en 2001.
- 1998 : la Station Spatiale Internationale, souvent désignée par l’acronyme anglais ISS, est lancée. Toujours en activité, elle prend le relais de la station Mir en tant que laboratoire de recherche en micro-gravité. Des équipes internationales s’y relaient pour des séjours de six mois en moyenne. L’ISS est constamment habitée depuis 2000, ce qui constitue le record absolu du genre, précédemment détenu par Mir. Si elle n’était atteignable que par les vaisseaux russes Soyouz, depuis 2020, SpaceX et ses capsules Crew Dragon ont permis à des astronautes comme Thomas Pesquet de rejoindre la station.
Du voyage spatial au tourisme spatial
Où vole-t-on ?
Si au cours du XXe siècle, le voyage spatial est surtout affaire de sciences et de géopolitique, au XXIe siècle, les yeux se tournent vers le tourisme spatial. De quoi parle-t-on exactement ? Pour le moment, surtout de vol suborbital. Petit point vocabulaire sur les différents types de vol :
- Vol balistique : l’objet, le satellite, la capsule… retombe sur Terre
- Vol orbital : on effectue une rotation autour de la Terre, comme Youri Gagarine
- Vol suborbital : le vaisseau atteint l’espace mais ne se met pas en orbite
Il existe une limite à partir de laquelle on considère être « dans » l’espace et non plus dans l’atmosphère : c’est la ligne de Kármán, fixée à 100km d’altitude. Vous la verrez parfois représentée à 80km, ce qui correspond à la limite américaine : cela équivaut pour eux au « compte rond » de 50 miles.
Des voyages très select
On considère que le premier vol spatial touristique a eu lieu en 2001. L’homme d’affaires américain Dennis Tito a payé 20
millions de dollars pour pouvoir passer huit jours avec l’équipage d’un vaisseau spatial russe. Oui, 20 millions, vous avez bien lu. Et que fait-on à ce prix-là pendant huit jours ? On fait 128 fois le tour de la Terre, en orbite donc. On espère que la vue en valait le coup.
Cette somme astronomique est annonciatrice des standards actuels en matière de tourisme spatial. Malheureusement pour nous autres quidams, il faudra – pour le moment – nous contenter de regarder de loin. En effet, les vols spatiaux sont surtout des initiatives d’hommes d’affaires milliardaires comme Richard Branson (propriétaire de Virgin Group) ou de Jeff Bezos (fondateur d’Amazon), qui poussent le vice jusqu’à faire construire leur propre vaisseau. C’est ainsi que Richard Branson s’est envolé avec Virgin Galactic à 85km d’altitude pendant quinze minutes, et avec lui deux pilotes et trois passagers. Le prix du billet ? 250.000$. Et la société a annoncé augmenter ses tarifs pour ses prochaines expéditions. Quant à Jeff Bezos et son vaisseau New Shepard, sachez que l’un des billets mis aux enchères a été remporté pour la modique somme de 28 millions de dollars. Une paille.
La question à un million : à quoi ça sert ?
Les prix exorbitants et la colossale dépense de matériaux et d’énergie nécessaires à ces vols de quelques minutes font évidemment grincer des dents : hormis flatter l’ego de ces milliardaires, à quoi donc cela peut-il bien servir ? Certains avancent qu’il serait possible de profiter de ces vols spatiaux pour mener des recherches scientifiques. Cela peinera peut-être à convaincre le public déjà sceptique quant à l’intérêt des programmes spatiaux humains en termes de coûts et de rentabilité – et ne parlons pas du manque total de démocratisation du tourisme spatial.
En tout cas pour l’instant.