Les chiffres ne mentent pas : d’après le rapport annuel Dodo pour tous? de l’institut Tékaté-Jémésource publié en février dernier, 88% des Français n’aiment pas dormir. Pire, 73% de ces mêmes sondés estiment perdre leur temps durant leur sommeil. “Toutes ces nuits passées à roupiller alors que je pourrais regarder des films, voir des gens ou ranger mon appartement à la place, ça me déprime et pourtant je n’ai pas le choix” confie dépité un participant de l’enquête, dont les conclusions alarmantes font craindre une corrélation entre le temps de sommeil et les syndromes dépressifs au sein de la population.
Sensible au bien-être des Français, le cabinet de consulting Halakon, basé à Neuilly-sur-Seine, s’est donc fendu d’une expérience destinée à rééquilibrer la balance. Le principe ? Allonger le temps de travail des salariés durant leurs nuits de repos. Une manière de combler le sentiment d’incomplétude ressenti durant l’activité inutile bien qu’indispensable du sommeil.
Une étude de longue haleine
Ce dernier rapport Dodo pour tous? confirme en fait une tendance à la hausse observée depuis son lancement en 2013 : déjà cette année-là, 76% des sondés déclaraient ne pas aimer dormir. L’expérience des ténors d’Halakon y trouve son origine : après moult audits menés en concertation avec l’OMS, le cabinet a noué un partenariat en 2015 avec les laboratoires Lèse-Moi-Fer. À sa tête, le professeur Inception, spécialiste sur la question de l’insomnie qui n’a pas dormi depuis le 24 octobre 2007, a lui-même pris la direction des recherches. “Le manque de soleil, je pense pouvoir en infester, est un véritable flot. En tant que scientifique, il est de mon revoir d’améliorer autant que possible les conditions de vie de mes confitoyens en leur permettant de dormir en adéquation avec leurs principes” a-t-il baragouiné auprès de l’AFP.
Au terme de six ans de recherches tumultueuses, de plusieurs millions d’euros alloués au projet et d’une vingtaine de patients-cobayes internés en institut psychiatrique pour trouble dissociatif de l’identité aggravé, Halakon est désormais en mesure de dévoiler les résultats des recherches du Dr Inception, exemple à la clé. La solution résiderait dans un allongement du temps de travail, étendu directement aux heures de sommeil.
Le parfait compromis entre repos et productivité
“Le principe, que nous avons expérimenté pendant un an au sein de l’équipe du cabinet d’architecte Lapierre, y en a pas deux, est relativement simple” explique César Naque, directeur d’Halakon. “La nuit venue, il est demandé aux salariés de s’endormir sur leur bureau, afin d’assimiler un environnement de travail qui se répercutera jusque dans leurs rêves. Les rêves étant propres à chaque individu, tout un chacun peut façonner sa propre interface de travail onirique, à partir de laquelle les tâches qui occupent l’entreprise ont le temps de mûrir et de prendre consistance. Ainsi, le lendemain, les employés arrivent au bureau fatigués mais avec une idée bien claire de ce qu’ils doivent faire, ce qui les fait travailler encore plus efficacement.”
Ces heures supplémentaires présentent le double avantage d’être parfaitement légales et de pouvoir être rémunérées à moindre coût. Intégrées à un état physiologique sur lequel l’employé ne justifie d’aucune activité physique, elles présentent même des avantages et des économies conséquentes pour les employeurs. “Même si nous avons régulièrement dû changer de collaborateurs, un calcul de notre expert-comptable estime que nous avons réalisé plus d’économies que n’en auraient apportées la délocalisation que nous prévoyions au Laos” s’enthousiasme Pierre Lapierre, directeur général de Lapierre, y en a pas deux. “Entre leur fin de journée et leur coucher, les employés disposent même de jusqu’à cinq heures de temps libre pour se consacrer à leur famille et leurs loisirs. Le bien-être de nos collaborateurs est pour nous une priorité” conclut-il.
Des résultats encourageants
Les résultats de la méthode Halakon-Lèse-Moi-Fer ne se sont pas fait attendre : une dizaine de salariés occupaient les locaux de Lapierre, y en a pas deux au début de l’année. À son terme, malgré leur effectif inchangé, une cinquantaine de personnes justifiaient d’une expérience professionnelle au sein du cabinet d’architecte. Quinze d’entre eux, convaincus de l’efficacité de la méthode, l’ont exportée chez leurs nouveaux employeurs. Trois de ces cobayes ont définitivement gonflé les rangs de l’équipe de Pierre Lapierre. On retrouve la plupart des trente-deux derniers reconvertis dans le test de matelas au sein de plusieurs sociétés de literie européennes.
“Nous préférons éviter de nous avancer en l’état actuel des choses, mais ce premier bilan demeure fort encourageant” se félicite César Naque. Et à juste titre : la méthode Halakon-Lèse-Moi-Fer se répand de plus en plus au sein du marché du travail, sans que l’une ou l’autre de ces deux entreprises n’en ait véritablement fait la promotion. Un bouche-à-oreille fort efficace qui promet de beaux jours à ses concepteurs. Un proche de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron évoque même la possibilité d’étendre la méthode aux conditions de perception du RSA, à raison d’une vingtaine d’heures additionnelles de travail onirique par semaine. À ce rythme, bientôt les Français retrouveront le goût du dodo !
Nous espérons en tout cas, amis lecteurs, que la méthode Halakon-Lèse-Moi-Fer ne trouvera pas chez vous preneur, et que ce poisson d’avril vous aura davantage fait rire que paniquer !